« La génération actuelle a grandi avec une vraie culture jeu vidéo, qu’elle peut transmettre aux enfants »


Le confinement du printemps 2020 a accéléré les choses, mais pour Laurent – six à huit heures de jeu vidéo par semaine –, il était inévitable que sa fille de 5 ans revendique tôt ou tard le joypad. Alors quand elle lui en parle, il y a un peu plus d’un an, il ne résiste pas mais « cherche quelque chose de beau, narratif, facile… ». Ce sera Spiritfarer.

« J’avais testé le jeu, cela a tout de suite bien marché. Elle incarne le chat qui accompagne le personnage principal que je contrôle. »

Matthew, qui travaille dans l’industrie vidéoludique, a de son côté fait découvrir à sa fille aînée, 12 ans, plusieurs jeux en solo comme The Legend of Zelda : Link’s Awakening ou Rayman, pendant que le petit dernier, 8 ans, explorait Minecraft. Durant le premier confinement de 2020, c’est grâce à Animal Crossing que ce père séparé a pu maintenir le contact. « J’ai acheté trois copies du jeu, j’ai construit une maison sur mon île avec une chambre pour chacun d’eux… »

Cette relation vidéoludique importante, Audrey la vit avec sa fille de 9 ans, qui s’est prise de passion pour les jeux multijoueurs Roblox. François, Bruxellois de 45 ans, qui revendique trente-cinq années de pratique, une borne arcade à la maison et d’« avoir fini tous les Souls », a traversé le confinement avec son fils, trois décennies de moins, grâce au très corsé Sekiro.

Génération de « gameurs »

Tous sont loin d’être des cas isolés, et sont même de plus en plus nombreux : selon les données du Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (SELL), 77 % des parents français jouaient – avec une régularité variable – avec leurs enfants en 2021, soit onze points de plus qu’un an auparavant, quinze de plus qu’en 2014. Certes, ces chiffres sont à prendre avec précaution, préviennent les sociologues Laurent Trémel et Samuel Coavoux : d’une part, « car l’industrie veut promouvoir une image positive du jeu vidéo », selon M. Trémel ; d’autre part, aux yeux du second, il y a « des limites méthodologiques » dans une enquête effectuée sur un panel de 4 000 personnes.

Reste que ces données font écho à une tendance de fond observée dans l’industrie « depuis l’arrivée des consoles de salon Nintendo dans les années 1980 », selon Samuel Coavoux :

« La génération de joueurs née dans les années 1980 et 1990 est la génération des parents en 2020 : ils ont grandi avec des parents qui ne jouaient pas, mais eux sont des parents avec une vraie culture jeu vidéo, qu’ils peuvent transmettre. »

Or les franchises comme Zelda, Mario ou, plus récemment, Pokémon ont fidélisé ces joueurs jusqu’à aujourd’hui, et ainsi favorisé la pratique familiale du jeu vidéo, que tendent à confirmer d’autres chiffres du SELL : alors que la très grande majorité des joueurs français sont adultes en 2021 (88 %), près de la moitié des jeux proposés (44 %) sont classés PEGI 3 ou 7 (c’est-à-dire jouables dès l’âge de 3 ou 7 ans), manière pour les éditeurs d’offrir des titres pouvant plaire au plus grand nombre. Et ces chiffres ne prennent pas en compte les ventes dématérialisées de Nintendo, le poids lourd mondial des jeux transgénérationnels.

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